Petite généalogie des prix en 9
Les terminaisons en 9 des prix ne datent pas d’hier. Elles seraient déjà vieilles d’environ un siècle. On dit que leur lieu de naissance serait les Etats-Unis. Leur invention est attribuée à une stratégie antivol mis en place par quelques commerçants (mais peut-être ne faut-il voir là qu’une légende ?) : en évitant les prix ronds, les propriétaires de commerces minimisaient le risque d’être volé par leurs vendeurs ; le rendu de la monnaie obligeait en effet les employés à se rendre à la caisse, plutôt que d’empocher discrètement les billets des clients !
Analyse de l’effet bœuf
Les prix en 9 sont omniprésents dans le quotidien du consommateur ; dans les petits comme dans les gros prix. Sur quoi repose leur attractivité et pourquoi sont-ils tant utilisés aujourd’hui ?
L’une des principales raisons de leur maintien dans l’environnement du consommateur tient à l’irruption d’une nouvelle discipline dans le paysage des sciences : le neuromarketing. L’effet du 9 sur l’esprit des consommateurs est aujourd’hui bien analysé, et il n’a rien à voir avec la magie et la kabbale.
De fait, les prix en 9 bénéficient d’un effet de sous-évaluation. Les terminaisons de prix en 9 sont en effet systématiquement sous-évaluées par les consommateurs. La cause en est simple : le cerveau fonctionne à l’économie. Sur un petit prix, par exemple 19, 99 euros, il retient les dizaines (19 euros en l’occurrence), mais tend à négliger l’importance des centaines (99 centimes d’euros en l’occurrence). Ce qui demeure dans la mémoire à long terme, c’est uniquement le 19 euros, alors que le prix réel est, à un centime près, 20 euros !
L’effet est plus pervers encore quand le prix monte : l’ordinateur portable vendu à 499 euros reste classé par le cerveau dans la catégorie des objets coûtant une quatre-centaine d’euros, alors que son prix réel est de 500 euros ! Et il en va de même, toute proportion gardée, pour la maison de nos rêves qui ne coûte que 499 000 euros sur logic-immo.fr ou leboncoin.fr !
Les limites de l’effet bœuf du 9
Heureusement, au-delà d’un certain seuil, l’effet « magique » des prix en 9 s’estompe. Ouf, diront les plus riches ! Entre 999 999 euros et 1000 000 euros, la différence est jugée minime par l’esprit. C’est qu’on aborde ici des quantités qui nécessitent de la part de notre cerveau davantage d’attention, car elles ne sont pas maniées habituellement. Le cerveau n’est donc plus victime de sa tendance à fonctionner à l’économie.
Pour appréhender l’ordre de grandeur d’un chiffre comme 999 999, il s’avère justement qu’il a besoin d’arrondir à la décimal supérieure ; ce qui signifie, très concrètement, qu’il évalue la grandeur d’un chiffre comme 999 999 à l’aune de 1000 000. Aucun risque, donc, que le cerveau tende à sous-estimer ce que représentent 999 999 euros.
Une utilisation plus perverse encore !
L’évaluation des prix en 9 s’avère plus difficile encore à contrôler pour l’esprit du consommateur, lorsque ces derniers sont impliqués dans des réductions ou des soldes. Lorsque l’ancien prix est rond et que le nouveau comporte une terminaison en 9, de fait, les consommateurs tendent à mal apprécier l’écart réel entre les deux prix en présence. Ainsi, pour un prix de départ à 16 euros, soldé à 14, 99 euros, le différentiel qui est de 1, 01 euros tend à être transformé en un différentiel de 2 euros ! L’utilisation du 9 fait donc croire à une bonne affaire. Mais celle-ci n’existe en réalité que pour les commerçants !